Ces médias qui nous manipulent

samedi 25 avril 2015

Voilà un exercice courant, dans la presse people, les tabloïds et autres, de trouver une photo d’une personne connue et de s’en servir pour illustrer le titre racoleur d’un article la concernant.

Le but étant de vendre l’article (quand c’est du papier), ou de faire un maximum de clics sur le web dans l’espoir d’afficher plus de pub et d’augmenter les revenus du site ou du magazine.

Et au final on se dit que l’on s’est encore fait avoir par cette technique d’ « accroche visuelle + titre racoleur » pour un article très pauvre, et parfois même pas en rapport direct avec le titre.

Un exemple : 

Florent Pagny a réchappé d’un terrible incendie Florent Pagny : Sa propriété incendiée, il a vécu l’apocalypse !

 

Cette technique a fait ses preuves depuis bien longtemps et les Français raffolent de ce genre de presse et ils savent pertinemment que le contenu de l’article ne sera pas aussi dramatique que son titre.

C’est une manipulation de connivence, les deux parties (éditeur et lecteur) savent qu’il y a tromperie sur la marchandise mais ça reste gagnant-gagnant : l’éditeur gagne financièrement et le lecteur gagne sa petite dose d’adrénaline par article.

Quand la manipulation de l’image devient pernicieuse.

Cependant, on ne compte plus le nombre de fois où l’image a servi la cause d’un chef d’état, d’un dictateur, ou d’une idéologie politique ou religieuse pour justifier une guerre ou manipuler les foules.

Et nous aurions pu croire qu’avec la venue d’internet, il aurait été bien plus difficile de manipuler l’audience. Bien naïf est celui qui le croit…

Malheureusement, il semblerait que très peu de personnes vérifient les informations qu’elles reçoivent, il suffit de voir à quelle vitesse une fausse information se répand comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux.

Prenons un exemple concret.

Revenons seulement quelques jours avant le début des élections départementales des 22 et 29 mars 2015.
Le 20 mars 2015 un article a fait le tour du net avec une photo sur laquelle était accolé un commentaire.

Les parlementaires augmentent leur durée d’indemnisation en cas de défaite électorale (ref. 1)

Les parlementaires augmentent leur durée d’indemnisation en cas de défaite électorale (ref. 1)

Que dois-je comprendre du titre et de cette photo ?

Le titre explique que nos élus, sentant le roussi pour leur siège de député, auraient, dans l’urgence, voté une loi pour augmenter leurs indemnités d’après mandat.
Ma réaction est sans équivoque : Bouhhh ! Honte sur eux !

Puis je vois la photo sur laquelle ils s’applaudissent :
Et là je me dis que si je prends cette photo au premier degré, en voyant ces élus s’applaudir, je n’aurai que des qualificatifs pas très sympas à leur donner et la colère m’envahit.

Je lis l’article et je découvre que les sources indiquées dans ce dernier sont en totale contradiction. (Il est évident que ce genre de site table sur le fait que leurs lecteurs prennent pour argent comptant leurs propos et par conséquent n’iront pas lire les sources citées et ne chercheront pas d’eux-mêmes à en savoir plus.)

En effet, ce n’est pas un doublement d’indemnités mais uniquement le doublement de la durée de versement. En gros, ils toucheront toujours la même somme mais étalée sur un an au lieu de six mois.
Plus « amusant », cette loi n’entre pas en vigueur avant les élections mais en janvier 2016. (ref. 2)

Et il y a encore beaucoup à dire de cet article mais ce n’est pas le sujet ici. Je vous renvoie donc aux sources citées plus bas.

Mais alors c’est quoi cette photo ?

Le 26 juin 2012, Claude Bartolone (PS) vient d'être élu à la présidence de l'Assemblée nationale ©Eric Feferberg

Le 26 juin 2012, Claude Bartolone (PS) vient d’être élu à la présidence de l’Assemblée nationale ©Eric Feferberg

Cette photo a été prise le 26 juin 2012 par Eric Feferberg, photo-reporter pour l’AFP (ref. 3). Soit 3 ans plus tôt.
Nous y voyons Claude Bartolone, député PS, applaudi par ses confrères le jour de son élection à la présidence de l’Assemblée nationale.
C’est le genre de scène que l’on peut apercevoir à l’Assemblée nationale quand nos chers députés ne piquent pas un petit somme ou ne s’invectivent pas entre eux.

Au départ, une photo bien innocente qui est réapparue pour illustrer un article dont le mobile est des plus contestables.

Ma méfiance serait-elle sélective ?

Il n’est pas rare de voir sur Twitter ou Facebook des partages d’articles de ce genre où l’image sert à intensifier le propos. Et beaucoup de personnes partagent sans même réfléchir et parfois même sans lire l’article !

Il existe de plus en plus de sites d’information parodique comme le célèbre « Le Gorafi » qui se sert de l’image pour illustrer leurs articles hilarants. Les anglophones ne sont pas en reste car bien souvent des articles en provenance de ces sites sont pris par des sites qui, eux, se disent très sérieux et c’est comme ça que l’intox peut commencer.

Mais comment ne pas me faire avoir ou influencé par ces articles ?

Il y a une technique que j’utilise systématiquement lorsque que je reçois un article douteux illustré par des images fortes. Cette technique est également expliquée par le journaliste Alain Joannès dans son excellent article Comment valider les sources d’information sur le web

Qui publie cette information ?
Peut-on contacter cette personne ?
Quelles sont les raisons de croire que la source est compétente ?
À qui s’adresse-t-elle ?
Ses publications sont-elles fréquemment actualisées ?
Est-ce que tous les liens repérables dans le blog ou sur le site sont cohérents avec le sujet traité ?
Qui a déposé le nom de domaine du blog ou du site web ?
Avec quelles références connues, le blog ou le site sont-ils présentés ?
Le contenu est-il plutôt factuel ou cherche-t-il à influencer ?
Quelle est la réputation des sites auxquels le blog ou le site est rattaché par des liens ?
Quelle est la réputation des sites de référence ?
Que disent d’autres sites ou d’autres blogs sur le site à valider ?
Le site contient-il beaucoup de liens vers des blogs ou sites intéressants ?

Les vilains médias de masse

Il est évident qu’internet et les réseaux sociaux jouent une place de choix dans la diffusion de ces articles. Il n’est pas rare de lire sur Facebook que les JT de TF1 et France 2 (mais pas qu’eux) sont désignés comme les « médias de masse manipulant les foules ».

Alors faisons une simple comparaison:

Le 20h de TF1 est le JT le plus regardé d’Europe avec 6,53 millions de téléspectateurs.
Le 20h de France 2 n’est qu’à la 10e place de ce classement avec 4,28 millions de téléspectateurs.
Soit à eux deux 10,81 millions de téléspectateurs français et européens. (ref. 4)

Facebook compte à lui seul (en nombre d’utilisateurs actifs par mois) : 1,393 milliard dans le monde, 301 millions en Europe et 26 millions en France. (ref. 5)

Le JT français ne représente que 3,59% de l’audience européenne de Facebook.

Alors qui est le véritable « média de masse » ?

Au final

Ne laissons pas notre intelligence se faire prendre en otage par ces manipulateurs de l’image.

 

Sources:

1 – Quenel+

2 – Une loi pour renforcer l’indemnisation des élus battus dans les urnes

Non, les députés n’ont pas voté une loi doublant leur indemnité de fin de mandat 

3 – Portfolio AFP d’Eric Feferberg

4 – Les JT de TF1 sont les plus regardés d’Europe

Audiences en hausse pour la nouvelle formule du JT de France 2

5 – Chiffres Facebook – 2015

 


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